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Engin, le Zeybek et la poésie du geste.

"Danser c’est avant tout communiquer, parler à l’autre dans les profondeurs de son être." Maurice Béjart.



Nul hasard si le premier épisode de Sefirin Kizi commence par la danse du Zeybek. Le zeybek est un "Efe" ou " Bandit d'honneur". L'efe vit dans les régions de l'ouest Anatolien, un héros hors la loi, qui défend l'honneur des femmes, des paysans, et combat l'injustice en général. Il est fier, courageux, sans peur. Le Zeybek est aussi une danse traditionnelle de forme cyclique, qui se danse seul et présente des figures complexes figurant l’exploit. Elles sont parfois chorégraphiées par deux, quatre hommes ou plus, évoluant en cercle, dans le sens contraire au soleil.

Sancarefe, interprété par Engin Akyürek, incarne donc cet esprit chevaleresque et fier de l'efe, solitaire, doté d'un sens aïgu de l'honneur et de la bravoure. Toute la série est construite à partir du Zeybek, qui représente le fondement symbolique du caractère de Sancar et de son idéal de vie. Le malentendu initial entre lui et Nare, prend sa source dans l'esprit de l'efe, qui, se croyant trahi par la femme aimée, lui ferme sa porte. Il n'est pas question d'abandon ou de cruauté comme certains l'ont parfois dit, mais d'un malentendu dont les racines sont culturelles. Tout ce qui va en découler après, prend sa source à cet instant. Et le premier Zeybek, lors de son mariage avec une femme qu'il n'aime pas, en est le point de départ. Il se marie pour sauvegarder l'honneur de la famille, cédant à sa mère par devoir et pour ainsi perpétuer la lignée. Un homme de devoir, un homme droit, mais aussi un guerrier, un héros tragique, quand son ami de toujours le trahit ou lorsqu'il risque plus tard sa vie pour Nare.

Mais revenons à la danse dans l'épisode 1. Ce qui m'intéresse ici, c'est la beauté de ce cercle d'hommes qui se jaugent, se mesurent du regard, se lancent des défis muets.

Engin Akyürek parle avec son corps plus que tout autre. Le premier Seybek définit le personnage. Il réussit le double prodige d'incarner la masculinité charismatique de Sancar, de lui donner une identité, mais aussi de nous faire immédiatement aimer cet efe flamboyant.

Sancarefe est un homme de la terre et du ciel. Quand il danse le Zeybek, Sancar le terrien, le solide, traverse l'espace avec panache. Un genou à terre, le noir dans ses yeux, la tête haute, il exprime en quelques gestes, cette éclatante virilité qu'il portera tout au long de la série. Et puis, dessinant l'espace, ses bras comme de grandes ailes, on lit dans sa gestuelle, cette poésie lumineuse et légère, l'élégance de l'aigle qui danse avec la lumière et le vent. Le second Zeybek, plus tard dans l'histoire, est la métaphore du drame qui se joue entre les deux amis Sancar et Gediz.

Engin Akyürek interprète l'efe menaçant, blessé, prêt à se battre. Cette chorégraphie est symboliquement le lieu de leur affrontement. Il ne s'agit plus comme au début, d'amitié joyeuse et de célébration. Nous assistons à un duel dansé, avec un Sancar intense, aiguisé comme un rasoir. Le pas menaçant, le corps à l'affut, ses yeux ne quittent pas Gediz, ses mouvements fulgurants, précis, disent l'indicible, le cercle des hommes devient flou. Engin/Sancar occupe l'espace rétréci, sous l'oeil de la caméra qui observe les prémisses de la tragédie à venir, la lente désintégration de l'amitié d'une vie.


Tout cela sans mots. Ces scènes sont portées par la présence fervente d'Engin Akyürek qui une fois de plus, appelle à lui les merveilles de la terre et du ciel et transmute l'ordinaire en poussière d'étoiles.


Cathie Hubert

Artiste auteur designer. 10/04/2021 Réflexions sur Engin et le Zeybek



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